Force de la pâtisserie française, Titouan Claudet dépouille sa tradition de ses manières au luxueux hôtel The Woodward Auberge et au Comptoir à Genève. Sur la rive cristalline du lac Léman tournée vers le reste du monde, il insuffle un grain de folie au travers de créations géométriques et franches du collier.
Le chemin pavé qui conduit à Titouan Claudet, fraîchement promu « Pâtissier de l’année » dans la nouvelle édition du GaultMillau 2025 et « Talent Pâtisser de l’année 2025 » par la Liste, est intimiste; nimbée de lumière, un brin magique. Pour aller à sa rencontre, il faut d’abord s’élancer dans le vide tel un écureuil volant puis se laisser planer pour observer le panorama depuis le haut.
D’emblée, dans ce voyage à contre-courant qui débute à l’aube, on gardera en mémoire la vision des champs de colza jaune poussin, des pommiers touffus et celle des vignes aux grappes dodues dentelants l’horizon. Tout de suite, il importe de lever le pied, de dissiper l’ennuagement du cœur, d’abaisser la tension de deux octaves pour mieux se laisser happer par l’interlude. Plus que jamais, un acte incontestable de résistance.
Gourmandise de haute volée: l’antidode à la tourmente
Ce matin, l’inspiration a frappé à la porte du pâtissier prodige dans les cuisines immaculées du luxueux hôtel The Woodward Auberge comme le ferait un invité coiffé d’un Borsalino en feutre de laine. Titouan Claudet opère dans les deux restaurants, L’Atelier Joël Robuchon (2 étoiles Michelin) et Le Jardinier, lorsqu’il n’est pas au Comptoir Woodward, sa pâtisserie à un jet de pierre de la Place du Molard. « J’ai eu envie de travailler une pâte de sésame noir manufacturée artisanalement à Goma, dans la préfecture de Kyoto, qu’on m’a fait parvenir », lance le trentenaire à la coupe parfaitement maîtrisée, tout de blanc vêtu, avec à son poignet une montre Casio reçue en cadeau qu’il ne quitte pas.

Ce qu’il aime lorsque vient une envie de sucre? « Des mets réconfortants, avec ce qu’il faut de sucre et de beurre, bien qu’on essaie de réduire les quantités. Avec mon équipe, nous réfléchissons à des desserts qui puissent convenir à tous les régimes alimentaires possibles avec en ligne de mire le plaisir gustatif ».
À deux pas de l’institution locale des Bains des Pâquis, dans l’espace dédié aux créations des cuisines, Titouan Claudet supervise sa brigade dans un silence de cathédrale. C’est ici qu’il délivre méticuleusement, et avec une précision de sertisseur, sa réflexion personnelle ainsi que son goût aiguisé faisant la part belle aux circuits courts, aux saisonnalités et au plaisir du partage. De la cuisine ouverte, on peut l’observer dresser ses assiettes à l’aide de pochoirs qu’il découpe avec son équipe.

Son expertise peut ainsi s’intégrer harmonieusement au paysage de l’établissement historique estampillé The Bastion Collection dont l’intérieur a été repensé par l’architecte Pierre-Yves Rochon et dont l’environnement semble tout droit sorti d’un Alexandre Calame.
Dans ses desserts millimétrés aux saveurs équilibrées, pas de place pour l’imprécision ou une saveur qui manquerait de vaciller ; il faut préciser que ce talentueux jeune homme né à Besançon (Franche-Comté) est passé chez Georges Blanc aux côtés de Benoît Charvet, Sébastien Vauxion au Sarkara de Courchevel (2 étoiles Michelin) et Anne-Sophie Pic au Beau Rivage de Lausanne, dont il a gardé une spatule avec laquelle il poursuit ses créations extraordinaires, à l’image de cette œuvre chocolatée et rehaussée de cardamome noire. De ces rencontres formatrices, il retient l’humanité et l’exigence mathématique de la discipline.


Approche éco-responsable
Dans les assiettes en céramique, les douceurs sont bluffantes d’inventivité, visuellement ultra gourmandes et surtout formidablement animées par l’amour du trait droit. Avec une approche sensible du vivant, Titouan Claudet a élaboré une carte à l’ADN culinaire claire, bigrement affuté. Mention spéciale pour son croustillant chocolat ou encore sa tarte tatin qui flirte avec une compote de pommes à la chair rouge, visuellement inspiré par l’art contemporain où il puise ses idées poétiques.

Les cuillerées tout en appel du pied sont évidentes, elle tapent juste. La cavatine est charmante, elle donne envie de prêter une oreille attentive pour comprendre la démarche scrupuleuse et éthique du chef investi. À la question de ce qui fait, selon lui, une élaboration réussie: « On peut s’améliorer en permanence. J’aime lorsque je suis témoin d’un plaisir gustatif, ça se répercute en moi comme les vibrations d’un diapason et me rappelle les émotions ressenties lors d’un repas de famille », répond-il sans hésitation, le regard rempli de cette joie juvénile si émouvante, un témoignage de candeur qu’on aimerait pouvoir nicher dans une poche de chemise.
Demain, Titouan Claudet, qui connait la mélodie de la bise noire et le langage des saisons, enfilera sa veste blanche sur laquelle est brodé son nom au double fil. Une succession de gestes qu’il effectue chaque matin après avoir observé le ciel azur immense de la cité de Calvin, la clé de voûte de son territoire, là où toute sa créativité se déploie jour après jour.
Les trésors sucrés de Titouan Claudet sont à savourer à l’Atelier Robuchon ou au Jardinier:
The Woodward Auberge
37 quai Wilson
1201 Genève
auberge.com/the-woodward/dine/latelier-robuchon/
Ainsi qu’au Comptoir Woodward où votre regard ne manquera pas de se perdre parmi l’armada de pâtisseries:
Rue Neuve-du-Molard 7
1204 Genève
lecomptoir-woodward.com