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Yazid Ichemrahen : «En tant que chef, j’ai la responsabilité de bien nourrir ma clientèle»

Yazid Ichemrahen : «En tant que chef, j’ai la responsabilité de bien nourrir ma clientèle»

Le chef prodige, révélé par une ascension fulgurante dans la pâtisserie et sacré Champion du Monde de desserts glacés à 22 ans, vient d’ouvrir son restaurant « At Home » à deux pas de la place des Victoires, à Paris, comme pour mieux célébrer la sienne.

« Paris est une ville qui me fascine autant qu’elle me tétanise. Il n’empêche que l’ouverture de ma première adresse dans la capitale est sans doute ce qui m’enthousiasme le plus en ce moment. C’est ma façon personnelle de rendre hommage à une ville qui m’a rudoyé autrefois mais où je vis aujourd’hui » confie le chef originaire de Chouilly dans La Marne, qui comptabilise 9 boutiques à travers le monde; de Doha à Courchevel en passant par Bahreïn et Gstaad. 

S’attabler At Home

« C’est un lieu pensé comme si vous veniez chez moi à n’importe quel moment de la journée. Le matin, vous pouvez rapidement y prendre un café d’Honduras sélectionné par mes soins, caler un déjeuner léger avant de vous adonner à une session de sport puis repasser en fin de journée pour un goûter gourmand ou un dîner élégant », résume cet entrepreneur globe-trotteur.

Avec une vision enrichie par les rencontres et les voyages, Yazid Ichemrahen a fondé les marques YCONE, YTIME et AT HOME. Chacun de ces labels, aux concepts novateurs et identitaires, ont le même fil rouge: celui d’engendrer des expériences clients basés sur l’hospitalité, la vraie, celle qui vient du cœur.

Derrière cet écrin immaculé aux tons tranchés de noirs et de blancs, on reconnait le soin immense accordé aux détails: « L’une de mes valeurs, celle qui m’importe le plus, c’est la rigueur, une sorte de respect poussé à l’extrême. Je la place dans chacun de mes projets pour créer des choses dotées d’une âme. »

Les desserts comme planche de salut

Pour parler de son enfance, Yazid Ichemrahen d’origine marocaine, ne mâche pas ses mots. Un livre « Créer pour survire » lui a été consacré ainsi qu’un film « À la belle étoile » co-produit par Laurence Lascary et Jamel Debouzze.

Mais ce que l’on retient de ce parcours qui l’a amené à conquérir les cuisines du Royal Monceau – Raffles Paris en tant que chef exécutif pâtissier, c’est, avant tout, la noblesse du labeur. « Je me souviens de la réaction de ma tatie, lorsque je lui ai parlé pour la première fois de mes aspirations en pâtisserie. Fataliste, elle était convaincue que je n’y arriverais pas. C’est exactement ce que j’avais besoin d’entendre pour lui prouver le contraire », raconte-il l’œil pétillant.

En grandissant entre des éducateurs aux antipodes des méthodes Montessori, petits larcins et avenir incertain, la route est longue. Il comprend qu’il va devoir s’en sortir. Et vite. À l’adolescence, placé sous la surveillance d’une juge des enfants, il se retrouve au pied du mur mais réussit à décrocher une formation en boulangerie.

Il se souvient de la route pour s’y rendre tous les matins à 4h avec un vélo à moitié fonctionnel, les façons pour conquérir la confiance d’un patron exigeant à la discipline de fer forgé avant qu’il ne puisse seulement oser toucher un ustensile de cuisine. « Ça a été ma plus grande leçon de vie. Au début, il ne me faisait que nettoyer et porter de gros sacs de farine. J’avais le besoin de combler mon manque de reconnaissance. Alors j’ai appris à travailler efficacement. L’effort du travail, c’est sans doute là que je l’ai compris. Ce que j’aime le plus dans mon métier ? C’est la création, d’être témoin de la transformation d’un produit brut. Avec de la farine, du sucre, du beurre et des œufs, on peut procurer, à l’arrivée, un moment de plaisir. Comme la recette de la vie, somme toutes. Lorsqu’on a la chance d’avoir en main des ingrédients, à nous d’en tirer parti. La pâtisserie, c’est ce qui m’a enfin rendu fier de mes actions et c’est à travers elle que j’existe ».

Une vie de gestes

Petit à petit, le parcours de Yazid Ichemrahen devient une vie faite de gestuelle effectuée comme le ferait un danseur étoile en pleine chorégraphie ; rotations du poignet pour préchauffer le four, le corps qui s’étire pour attraper des récipients en inox, la tête en ébullition pour affiner les techniques, les blancs d’œufs battus à toute vitesse tandis que les jaunes sont blanchis. Philippe Conticini à la Pâtisserie des Rêves lui ouvre ses portes, puis Angelo Musa, meilleur ouvrier de France (MOF) ou encore Joël Robuchon au Métropole à Monaco.

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En 2014, avec une persévérance qui devient sa marque de fabrique et l’anime au quotidien, il prépare le Championnat du Monde des Desserts Glacés. Sa victoire récompense des années de travail. « C’est important de comprendre que rien ne tombe du ciel et que la réussite peut prendre des années à arriver. Rien n’est facile dans la vie. »

Une carte truffée de produits nippons

« Dans quelques mois, je vais dévaler les pistes de poudreuses au Japon. J’ai découvert ce pays il y a 7 ans. Depuis, j’assène mes 228 collaborateurs pour qu’ils y aillent au moins une fois pour comprendre l’exigence du geste, des goûts et de la précision. Et puis ce pays incarne la naturalité des matières premières par excellence. »

Ce jour là, au menu, qui change toutes les deux, trois semaines selon ses envies; tartare de bœuf agrémenté de tobiko (œufs de poisson volant) surmonté d’un nuage au parmesan affiné, paccheri all’arrabbiata, ceviche de dorade, sushis comme à Kyoto et évidemment des desserts qui rappellent des sculptures qu’on n’ose à peine effleurer du dos de la cuillère.

Aux murmures qui auréolent Yazid Ichemrahen, dont le nom se prononce avec un air entendu d’initiés, on imagine la révolution alliant respect et humanité qu’il insuffle dans les cuisines jour après jour.

AT HOME
44 rue Croix des Petits Champs
F-75001 Paris
Réservation en ligne ou par téléphone: +33 1 81 70 15 65
yazid-ichemrahen.com

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